Albanie : Expédition vers l'inconnu
Des amphores dans cinq mètres de profondeur !
Lorsque je me mets à l’eau pour suivre Philippe, j’ai une petite idée de ce qu’il vient de découvrir. Et effectivement, à moins de cinq mètres de profondeur, un morceau de terre cuite dépasse du sable. Une fois l’objet photographié, nous réalisons qu’il est très probablement un fragment important d’une amphore ou d’un vase ancien. D’une cinquantaine de centimètres de long et d’une trentaine de large, la pièce est décorée de fines rainures parallèles. Bien que brisée, une partie d’une de ses anses est toujours visible. Ces détails nous permettront peut-être de faire dater précisément notre première découverte.
Les jours suivants, nous explorons tous les mouillages alentours qui semblent être de bons abris. A chaque ancrage, nous localisons d’autres fragments de poteries anciennes, disséminés ça et là, à peine enfouis. En moins d’une semaine, nous photographions sous tous les angles un grand nombre de cols, d’anses et de culs de vases anciens. Des restes archéologiques qui ont sommeillé durant des siècles sous quelques mètres d’eau de mer seulement.
Saranda, quelques jours plus tard. Auron Tare (prononcer taré), directeur de l’Albanian Center for Marine Research (Centre albanais de recherche marine), n’a pas mis longtemps pour nous rejoindre. A peine lui avais-je exposé au téléphone nos intérêts communs et les découvertes que nous venions de faire qu’il me donnait rendez-vous une heure plus tard à l’entrée du port de Saranda. L’homme que j’aperçois au loin, descendant d’un grand Land Rover, ressemble à un géant. Large d’épaules, les cheveux très courts et une fine paire de lunettes sur le front, cet Albanais d’une quarantaine d’années a le sourire chaleureux.
«Comment allez-vous?» me demande-t-il en anglais avec un fort accent américain. Quelques minutes plus tard, nous nous installons à la terrasse d’un des hôtels modernes de la ville. Vivant entre l’Albanie et les Etats-Unis, Auron Tare est connu comme le loup blanc à Saranda. Depuis des années, il travaille activement à promouvoir les richesses culturelles et naturelles de son pays dans le monde entier. L’une de ses plus grandes fiertés est sa participation à la fondation d’un parc national autour du site archéologique de Butrint, à quelques kilomètres de Saranda. Des vestiges grecs, romains et byzantins d’une très grande beauté et très bien conservés y ont été découverts au 20ème siècle. Classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le site est visité par des touristes chaque année plus nombreux.