Peur sur le bassin d'Arcachon
Une algue menaçante
Maria et Jean-Michel Douet sont sur des charbons ardents. Dans leur cabanon en bois du Cap-Ferret, ces deux jeunes ostréiculteurs attendent le texto fatidique. «Les tests d’Arguin et Bassin sont positifs sur huîtres et moules. Tout est fermé. Bon courage et à bientôt.» En langage d’ostréiculteurs, cela veut dire catastrophe. D’autant que ce scénario se répète depuis cinq ans et met en péril les 380 entreprises qui travaillent sur les 780 hectares de parcs, et assurent une production oscillant entre 8000 et 10 000 tonnes d’huîtres par an.
La dinophysis, une micro-algue naturelle mais toxique, semble être la coupable. Elle libère une toxine qui donne la diarrhée à ceux qui l’ingèrent. Or, les huîtres sont de véritables filtres à eau. Elles absorbent et recrachent quotidiennement des litres d’eau de mer. Et sont donc les premières contaminées. Bien que cette algue maudite ne se soit jamais révélée mortelle, l’Union européenne impose le fameux test biologique de la souris (voir dans le chapitre 2) au nom du sacro-saint principe de précaution, rendant ainsi les ostréiculteurs otages de la mort, ou de la survie, des petits rongeurs blancs…
Après des années de recherche, les scientifiques de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (l’Ifremer) ont cerné les éléments qui coïncident avec l’apparition de la dinophysis. «Le printemps correspond malheureusement à un ensemble d’événements qui semble lui convenir parfaitement, explique Roger Kantin, directeur de l’antenne d’Arcachon. Une augmentation de la lumière, une élévation de la température de l’eau (à partir de 17 °C), ainsi que l’apport en eau douce, nitrates et phosphates des rivières qui se jettent dans le bassin.» Et sur ces deux derniers points, l’activité humaine apparaît très largement responsable.