Peur sur le bassin d'Arcachon

Le test de la souris

Les toxines contenues dans la micro-algue dinophysis se concentrent dans l’organe de l’huître qui s’apparente le plus au foie humain : l’hépatopancréas. C’est de cet organe que l’Ifremer extrait un résidu potentiellement toxique. Les hépatopancréas de 2,5 kilos d’huîtres sont nécessaires pour fabriquer une dose significative. Une fois cette substance centrifugée et desséchée, elle est ensuite diluée dans un millilitre d’eau. Elle est alors injectée à trois souris préparées chaque semaine pour le test biologique. Au bout de 24 heures, les scientifiques font le bilan : si au moins deux souris meurent, l’interdiction tombe. L’Ifremer injecte également à trois autres souris témoins une solution qui ne contient pas de toxine. Les rongeurs doivent obligatoirement survivre pour que les résultats soient validés. Ce que reprochent en 2009 les ostréiculteurs à ce test, décidé et imposé par l’Europe, c’est qu’il ne soit pas doublé d’un test chimique qui viendrait confirmer ces examens empiriques.

En 2006, une souris était morte alors que les analyses chimiques n’avaient décelé aucune trace de dinophysis. Les scientifiques de l’Ifremer répondent que l’on ne connaît pas encore toutes les sous-espèces de cette micro-algue. Cette généalogie à rallonge empêcherait pour l’instant tout test chimique fiable. En attendant ce jour béni, l’Ifremer procède chaque semaine à de multiples analyses de l’eau pour mieux comprendre cet encombrant quoique microscopique parasite. L’autre reproche émanant des ostréiculteurs porte sur le liquide injecté à la souris.

Les hépatopancréas de 2,5 kg d'huîtres sont extraits, broyés, centrifugés et desséchés avant d'être dilués dans de l'eau et être injectés aux souris © Philippe Henry / OCEAN71 Magazine

L’animal (qui pèse 20 grammes en moyenne) reçoit un mélange obtenu à partir de 800 grammes d’huîtres! Ramené à la morphologie d’un homme de 80 kilos cela correspond à un résidu potentiellement toxique extrait de 3 300 kilos de coquillages!

Une densité déraisonnable susceptible de faire mourir l’animal pour d’autres raisons que la présence de dinophysis. Mais chaque fois, les autorités sanitaires s’abritent derrière le «principe de précaution». Le test de la souris se conclut en 24 heures tandis que les analyses chimiques réclament dix jours. Un leitmotiv qui menace aujourd’hui les emplois de plus de 1 500 personnes sur le bassin d’Arcachon et 17 000 en France.

 

 

Autres dossiers

  • Le « Trésor Rouge » de Méditerranée

    Écologie, Économie3 chapitres

    Pendant plus d’une année, l’équipe d’OCEAN71 Magazine a enquêté sur l’un des sujets écologiques les plus controversés de ces dernières années. Le thon rouge est-il vraiment en voie de disparition ? La vérité est bien plus complexe et surprenante que la plupart des médias et des ONG le laissent entendre. En exclusivité, les trois premiers chapitres de « Trésor Rouge ».

  • Galerie

    Le dédale du Bassin d’Arcachon

    Nautisme1 chapitre

    Depuis que l’océan Atlantique est navigué, les passes d’entrée du Bassin d’Arcachon ont inspiré la peur des marins qui devaient s’y aventurer. La cause de milliers d’échouages à cet endroit précis sont les très nombreux bancs de sable se déplaçant chaque année au gré des tempêtes. L’équipe d’OCEAN71 Magazine est partie en avril 2014 pour réaliser des visites virtuelles aériennes permettant d’étudier de près le dangereux labyrinthe.

  • Méduses, alliées ou ennemies?

    Écologie3 chapitres

    Nos côtes vont-elles bientôt être envahies par des nuées de méduses? Aux quatre coins du globe, d’inquiétants rapports circulent. Alors que des équipes de spécialistes internationaux tentent de répondre à cette question, d’autres scientifiques font de surprenantes découvertes médicales. OCEAN71 Magazine a enquêté sur les incidents mais aussi sur les nouvelles opportunités qui accompagnent ces créatures gélatineuses.