Procida, perle de la Méditerranée

Le secret de Procida : l’autonomie financière

Même si les grandes heures maritimes de Procida, époque dorée où des dizaines de navires marchands à voiles s’alignaient sur le grand quai, appartiennent au passé, certains emblêmes ont survécu. Au milieu des maisons du grand port de l’île trône un imposant batiment blanc sur la façade duquel est peint « Instituto Nautico ».

 

Fondée en 1788, cette école de la mer réputée dans le monde entier fournit encore au pays ses meilleurs commandants, marins et constructeurs de navires. Au 19e siècle, la flotte de la petite île était d’ailleurs la plus grande d’Italie avec celle de Gênes. A l’époque, ses bateaux partaient en Amérique du Sud le ventre alourdi de guano, et en Asie pour acheter de la soie. Une fierté qui perdure. Seuls les bateaux et les marchandises ont changé. Rares sont les familles de Procida qui ne comptent pas, encore aujourd’hui, un ou deux commandants de cargos, pétroliers ou paquebots de croisières italiens. Avec des salaires frôlant les 10 000 euros par mois, ces marins au long court permettent à leur famille restée sur l’île de vivre très correctement.

Le quai où viennent s'amarrer quotidiennement les pêcheurs de l'île © Philippe Henry / OCEAN71 Magazine

Ceux qui ne partent pas s’adonnent à l’autre tradition de Procida : la pêche. Tous les jours à 15 heures précises, la demi-douzaine de chalutiers que compte Procida rentrent d’une nuit de pêche les cales pleines. Les poissonneries alignées en chapelet sur le grand port ouvrent alors en choeur leur rideau de fer et vendent poulpes, sardines, crevettes, rougets et loups que les habitants aident à débarquer sur le quai. Aussitôt, sous les yeux du visiteur, ces poissons presque vivants partent vers les cuisines des différents restaurants familiaux de l’île.

 

Une heure plus tard, deux étranges bateaux oranges à fond plats rentrent avec cette fois une toute autre cargaison. Ces navires dépolueurs tournent tous les jours autour de Procida et ramassent inlassablement les déchets (surtout des bouteilles et des sacs plastiques) qui dérivent depuis Naples. « Ces bateaux sont financés par le Ministère de l’écologie italien, explique Fabrizio Borgogna, le nouveau maire, alors qu’il ramasse avec une petite équipe d’habitants volontaires des déchets échoués sur l’une des plages. Il est très important de protéger notre île, même si en matière de pollution rien n’est jamais facile dans notre région. » Allusion à peine voilée au scandale des ordures ménagères qui secoue la région italienne depuis que les autorités locales ont confessé que le ramassage, le stockage et le retraitement des ordures étaient aux mains de la mafia qui souvent préférait les déverser au large plutôt que d’en assurer un recyclage écologique. Pour tenter d’échapper à ce désastre, les eaux de Procida ainsi que celles d’Ischia ont été réunies il y a quelques années dans un parc naturel marin, le Regno di Nettuno, qui impose certaines contraintes environnementales. Cette préoccupation pour le développement durable rejoint les traditions les plus lointaines de l’île. Selon la mythologie grecque, c’est de la mer qu’a surgi la nymphe « Prochyta ».

Vue de la forteresse de Procida © Phlippe Henry / OCEAN71 Magazine

En réalité, un volcan a émergé de la belle bleue, pour offrir dès l’Antiquité un comptoir commercial important et convoité. Navires et galères venaient y chercher les fruits et légumes cultivés sur l’île. Son sol volcanique favorise la culture de citrons réputés dans toute l’Italie. Pouvant peser jusqu’à un kilo, leur peau épaisse et très sucrée, sert notamment à la fabrication du Limoncello. « Nous en produisons à peu près 30 000 kg par an, explique Francesco Lubrano le propriétaire d’un des six grands domaines de l’île. Dans l’Antiquité, on pouvait trouver nos citrons dans toute la Méditerranée, car ils protégeaient les marins du scorbut. » Procida réalise l’exploit de se suffire à elle-même. Elle n’a pas eu besoin de la manne des chaînes hôtelières ou des tours operators pour trouver sa voie : celle d’un développement harmonieux et durable. Un modèle unique en son genre !

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