Piège en haute mer
Le piège est tendu
Mais ce qu’Ernesto Bertarelli avait anticipé en 2003 finira par arriver en juin 2007, à Valence en Espagne. A quelques jours de la deuxième victoire des Suisses, Larry Ellison, dont l’équipe BMW-Oracle n’a pas passé les quarts de finale, est déjà en train de mettre en place son plan pour détrôner le roi d’Helvétie.
Le milliardaire américain récupère d’abord Russell Coutts et le place à la tête de son équipe BMW-Oracle. Selon une rumeur confirmée anonymement par plusieurs spécialistes de l’America’s Cup, Ellison aurait promis au génial Néo-zélandais une prime faramineuse de cinquante-cinq millions de dollars en cas de victoire américaine. Pour cela, un projet de bateau gigantesque est très tôt mis à l’étude dans le plus grand secret en Californie. Ellison sait que Bertarelli dans son empressement de tout changer va commettre un faux pas que lui, le « self-made man », ne ratera pas. Le piège est tendu. Il n’y a plus qu’à attendre.
Désireux de moderniser encore plus l’édition suivante, le milliardaire suisse et les Espagnols montent de toutes pièces un yachtclub espagnol fantôme pour rédiger le futur règlement. Bien évidemment en la faveur de Bertarelli et de son équipe… « A partir de là, la plupart des propriétaires d’équipes se sont mis à hurler, raconte Michel Odara, ancien dirigeant d’ACM Management, l’entité créée par les Suisses pour gérer l’événement. Mais c’est la tradition de l’America’s Cup. Il faut la gagner pour avoir son mot à dire. » Sans le savoir, le piège se referme sur Ernesto Bertarelli.
« Ellison avait repéré la faille jurdique du yachtclub fantôme, ajoute Odara. Il n’a pas hésité une seconde, il s’y est engoufré. » L’Américain traîne alors Bertarelli devant la Cour Suprême de New York, arbitre historique de l’America’s Cup, et gagne en novembre 2007. « Ellison a l’air de défendre la veuve et l’opprimé –sous entendu les autres équipes-, mais c’est un énorme hold up crapuleux ! s’exclame Xavier de Lesquin, le directeur général de l’équipe China Team en 2007. Paradoxalement, grâce au procès, la 33e America’s Cup devient extrêmement simple : deux concurrents, trois manches, le premier qui en gagne deux remporte la Coupe. Vous imaginez, c’est fantastique et scandaleux ! »