Piège en haute mer
Les experts sont les « Crazy Frenchies »
Les Emirats Arabes Unis ayant été écartés par la Cour Suprême de New York, il faut dès lors trouver un autre lieu que les Américains ne puissent contester. L’Australie ? Pourquoi pas. Les conditions météorologiques en février sont bonnes, mais il n’y a aucune infrastructure… En quatre mois, ce serait de la folie.
Finalement, la Cour Suprême de New York met fin à la querelle entre les deux milliardaires qui s’éternise. Ce sera Valence en Espagne en février 2010. Depuis juillet 2007, rien ou presque n’a bougé. Les infrastructures sont adaptées pour ce type de voiliers hors-norme. Et les deux équipes y ont déjà navigué. Seul problème, les vents hivernaux de Méditerranée risquent, sinon de casser, au moins de bien malmener ces engins ultra-légers qui peuvent aller deux à trois fois plus vite que le vent lorsque qu’ils sortent de l’eau.
Des merveilles de technologie qui auraient coûté à chacun des deux adversaires près de 150 millions de dollars pour développer et construire les bateaux, ainsi que recruter les meilleurs des meilleurs dans le domaine : les skippers Français. Lors d’entraînements sur des trimarans à Lorient, Frank Cammas a servi de consultant pour BMW-Oracle jusqu’à ce qu’il se lance dans le trophée Jules Vernes.
Loïck Peyron et Frank Proffit ont eux rejoint Alain Gauthier chez Alinghi en 2009. Et les « Crazy Frenchy », comme les surnomment les Anglo-Saxons, découvrent des voiliers qu’ils n’avaient imaginés que dans leurs rêves. «C’est incroyable le niveau de précision que l’on peut atteindre, explique Loïck Peyron à Ras El-Khaimah en novembre dernier. Avec dix fois plus de capteurs qu’en Formule 1, les ordinateurs nous disent presque exactement jusqu’où l’on peut pousser le bateau. Avec nos budgets français, l’analyse de nos trimarans se faisait à taton.»
A Ras El-Khaimah, un autre projet impensable il y a quelques mois fait son chemin. Très sérieusement. En cas de troisième victoire suisse, Bertarelli verrait bien la Coupe se dérouler à l’avenir sur des multi-coques ! « Effectivement, je crois qu’il y a un avenir dans l’America’s Cup pour ces engins, ajoute Loïck Peyron. Contrairement aux monocoques, ces multicoques qui semblent si révolutionnaires aujourd’hui, seraient dépassés dans deux ans. Pas plus. »
Initiée par le trimaran géant des Américains, qui devaient construire ce qu’il y avait de plus rapide, l’America’s Cup est en train de prendre une tournure que Larry Ellison n’avait sans doute pas imaginée en voulant déstabiliser Bertarelli. Pour l’instant, les Américains se font les défenseurs des monocoques et des traditions de la grande Coupe en annonçant un retour à la normale si ils remportent le trophée mythique. Mais rien n’est moins sûr. Qu’ira imaginer Ellison pour conserver le trophée ? Un autre piège ?